Shaftés sur Joe Rogan

Shaftés sur Joe Rogan

J’imagine que l’été peut maintenant arriver, Canadien est éliminé des séries. Je vais pouvoir passer plus de temps à regarder le Toronto perdre. J’ai hésité à écrire quelques chroniques du Sportnographe pendant les séries, mais j’ai manqué de jus mental. On dirait qu’une saison de radio/balado/infolettre, un moment donné, ça te siphonne un cerveau. J’essaierai de revenir en force pour le repêchage.

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Bandés sur Joe Rogan

Pour ceux qui n’auraient pas remarqué, la campagne électorale canadienne est terminée. Selon mes sources à la salle des nouvelles, c’est Mark Carney qui a été élu. Je ne suis pas fan de ce monsieur, mais il ne m’inquiète pas vraiment. Pas que Poilievre m’inquiétait particulièrement, mais il me semble qu’il a moins d’envergure. Je le trouve un peu bébé.

Peu importe, ce qui m’a intéressé dans cette élection, c’est la stratégie médiatique des chefs. Mark Carney a entamé sa campagne au Daily Show avec Jon Stewart. Maxime Bernier, lui, est allé chez Alex Jones et Tucker Carlson. Pierre Poilievre a quant à lui refusé de participer à des balados américains, disant qu’il voulait parler aux Canadiens d’abord, au grand dam de plusieurs de ses fans dans les médias.

Dans le cas de Maxime Bernier, je pense que de s’associer au pire complotiste des États-Unis ainsi qu’au pire démagogue (Jones et Carlson, ou vice-versa) n’est pas vraiment une stratégie électorale. D’ailleurs, il a chuté dans les résultats de l’élection, passant de 5% à 0,7 % des voix. Faut croire que de miser sur la grogne pandémique et les théories du complot n’est pas une stratégie pérenne. Il a lui-même pris une méchante débarque en Beauce, terminant 4e dans la circonscription qui l’avait élu plusieurs fois comme conservateur. Malgré tout, il veut rester, et c’est logique. Il est d’ailleurs retourné chigner chez Alex Jones après l’élection. Maxime Bernier ne dirige pas un parti, il dirige un cirque qui fait des spectacles à un public cible qui va continuer de payer pour ses représentations. Comme un peu les chanteurs has been dont on découvre qu’ils continuent de faire des spectacles 30 ans après leur dernier hit, dans les petites salles de région, et qui gagnent leur vie avec ça. « Ah ouin, il fait encore des shows, lui?! »

On a pu voir Pierre Poilievre au balado d’Olivier Primeau. Ça a beaucoup fait jaser, même si on n’a à peu près rien appris de nouveau dans cette entrevue. Stratégiquement, c’était sûrement une bonne chose pour Poilievre puisqu’il rejoignait ainsi un public, celui de Primeau, qui ne s’intéresse peut-être pas à la politique habituellement. En plus, l’intervieweur mangeait dans sa main. J’avais pensé faire un montage pour la radio de toutes les fois où Primeau disait qu’il était d’accord avec lui suite à une réponse, mais j’ai manqué de temps. C’est assez frappant. Encore là, je vous disais récemment que les statistiques de visionnements sur internet, c’était un peu de la bouette. Comment on peut être certains qu’Olivier Primeau a autant de gens qui l’écoutent? J’ai des doutes là-dessus. Je serais bien curieux de savoir combien ont écouté l’entrevue en entier. D’ailleurs, les conservateurs n’ont réussi à faire élire qu’un député de plus au Québec et obtenu 4,6% de plus de votes que lors de la dernière élection. C’est pas les gros chars.

Dès le début de la campagne, on a dit chez les influenceurs du chaos que Poilievre devait aller au balado de Joe Rogan. C’était Joe Rogan par-ci, Joe Rogan par-là. Il est vrai que Rogan est très populaire et beaucoup disent qu’il a déjà mené de bonnes entrevues avec des gens très intéressants. J’avoue ne pas avoir écouté un de ses épisodes au complet, seulement quelques extraits par-ci par-là sur les réseaux sociaux. Mais comme Olivier Primeau, je crois comprendre que Rogan n’est pas du genre à challenger ses invités. C’est un peu ça son concept: laisser parler les gens, même s’ils disent n’importe quoi. Surtout, il est un peu viré MAGA dans les derniers temps. La semaine dernière, il a même dit que Richard Nixon avait été victime d’un coup d’État du deep state.

Joe Rogan told Jordan Peterson this week that Richard Nixon was the victim of a deep state coup. JD Vance ended his 2021 National Conservatism Speech by quoting Nixon, "the professors are the enemy," to applause. Why the right wants to use the Nixon playbook and whitewash his crimes 👇

Micah Loewinger (@micahloewinger.bsky.social) 2025-04-26T01:08:42.012Z

Il semble que plusieurs habitués du podcast de Rogan sont surpris de voir la tournure des événements, comme l’explique cette chronique du Guardian.

« Mais récemment, divers membres de la Rogansphère ont commencé à se retourner contre leur chef. Ils ne peuvent pas comprendre comment l’animateur du podcast le plus populaire au monde semble être passé de présenter les deux côtés de la médaille à la défense d’Elon Musk à chaque tournant et à la fourniture d’une plateforme pour les révisionnistes de la seconde guerre mondiale. »

Il semble qu’il fasse de moins en moins dans l’humour et laisse de plus en plus de place à des personnes très très louches, dont un adepte de la théorie du complot du Pizzagate.

Surtout, si des gens de Radio X ou des animateurs de balados de leur entourage pensent qu’il est « the shit », ça me donne un indice de la teneur de son podcast. Dominic Maurais et ses acolytes ont vite dit dans la campagne que M. Poilievre devait aller chez Joe Rogan.

« C'est ça, si Poilievre appelle Rogan, c'est sûr qu'il va. Faut qu'il aille à Rogan. Il doit aller à Rogan. Ce réflexe-là, faut l'avoir. Oui, Carney a eu le réflexe d'aller à Stewart. Puis il faut aller à Rogan. (…) Puis d'autant plus que des podcasts politiques au Canada, il n'y en a pas une tonne. Au Québec, encore moins. Ça tire. C'est Joe Rogan. C'est pas de la même manière. Joe Rogan, de notre livre. Faut que tu ailles voir Joe Rogan. Tu n'as pas le choix. Tu n'as pas le choix. Sachant que Joe Rogan, ça va être repris dans tous les médias canadiens. (…) Il faut qu'il y ailee à Tucker aussi. Et où, les deux, un ou l'autre? C'est qui, les gros podcasters? Pas compliqué. J'adore Glenn Beck. Je suis abonné à Beck. (…) Rogan, c'est vraiment le dominant. Il faut qu'il y ait le dominant. Il n'y a pas le choix.
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Joe Rogan le dominant
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En passant, qu’il trippe à ce point sur Glenn Beck est un autre exemple qui démontre que ces animateurs ne font que calquer ce qu’ils voient aux États-Unis.

Mais revenons à Rogan, le « dominant ». Pour eux, dans leur bulle de X, de podcasts de crypto bros et dans la manosphère trumpiste qui ne croit plus les médias traditionnels, ça aurait eu tout un impact sur la campagne si Poilievre avait rencontré Joe Rogan. C’est un peu comme Jacinthe-Ève Arel qui a prédit une vague bleue la veille de l’élection.

Les conservateurs ont un peu mieux fait que prévu, mais on est loin de la vague bleue. Tellement prise avec des gens qui pensent comme elle qu’elle a l’impression que les sondages sont dans le champ. Mais ce n’est pas leur entourage qui vote. Le public en général au Québec ne sait pas qui est Joe Rogan. Au Canada, sans doute un peu plus. Mais est-ce que d’aller se pavaner aux États-Unis aurait aidé Poilievre? Pas certain.

Juste avant le début de la campagne. Éric Duhaime, lui, avait dit que c’est en allant chez Rogan qu’il aurait fallu régler la question des tarifs.

« - Qu'est-ce que tu ferais toi si t'étais là, en charge que ce soit au fédéral ou au provincial?
- La première chose, c'est que si j'avais voulu jouer un rôle de leadership dans ce dossier-là, j'irais par là aux Américains. Puis moi étant donné que je suis un gars qui est plus à droite, bien c'est sûr que je serais allé par là aux médias qui sont un peu plus à droite, qui sont les électeurs de Donald Trump. Fox, Fox Business et compagnie. Joe Rogan, puis Shapiro, je serais allé partout pour parler aux gens puis leur dire « nous ne sommes pas vos ennemis, ça n'a aucun sens pour essayer ». Parce que la seule façon que Trump va reculer, c'est s'il a l'impression que ses intérêts politiques à lui sont en jeu. C'est là-dessus qu'il faut tabler. »
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Joe Rogan pour faire reculer Trump
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Est-ce que Mark Carney qui irait chez Rogan aurait assez d’impact pour influencer Trump? C’est naïf de penser ça. D’ailleurs, Rogan a même dit que l’histoire des tarifs envers le Canada était débile, et ça n’a pas changé grand-chose. En fait, Trump et ses tarifs, ça change tous les jours, avec ou sans Rogan.

Joe Rogan semble être un peu plus critique des politiques de Trump dans les derniers temps, mais ce serait surtout un alignement pour ne pas perdre son public, selon The Guardian.

« De plus, le principal électorat de Rogan, les jeunes hommes, semble ressentir des remords d’acheteur concernant Trump, de nouveaux sondages suggérant que ce groupe s’éloigne du président. Où va son public, Rogan a tendance à suivre. »

Comment de fins stratèges comme nos amis de la constellation Radio X peuvent penser que c’est une bonne idée pour Poilievre de s’associer à ce genre de personnage? J'ai l'impression qu'ils sont très bons pour se berner eux-mêmes.

Plogues

Big pharma

Parlant de personnes qui ont un excellent jugement, voici que l’ancien chef du PCQ, Adrien Pouliot, félicite RFK Jr de vouloir éliminer le colorant artificiel dans les Froot Loops.

Ça l’air que RFK veut faire la lumière sur le chemtrails, d’ailleurs. Je me demande jusqu’où nos nonos locaux vont le suivre…

Le monde du travail

Je suis encore tombé sur une vidéo TikTok fort intéressante. Ici, Francis Dupuis-Déry parle du monde du travail dans un extrait tiré d’une émission où il est question de démocratie directe.

@inkless_music

#quebec #pouvoir #démocratie #politique #élections

♬ son original - @Inkless
« Ya plein de gens qui vivent 35-40 heures par semaine dans un système qui est un système avec un patron pas élu, ils n’ont pas voté pour lui, ne peuvent pas se présenter contre lui et il décide comment les gens peuvent s’habiller, quand ils peuvent manger, ou aller à la toilette, et c’est pas super dans une démocratie. »

On dirait que je n’avais pas vu ça sous cet angle. C’est comme si 40 heures par semaine, on vivait dans un monde à part. Maintenant, est-ce que je remets en question la société capitaliste pour autant? Pas vraiment. Je n’ai pas le temps de penser à une meilleure solution.

Musique

J’aime bien Antoine Corriveau.

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