Aujourd’hui, je vous parle de la dédiabolisation des saucés de la politique municipale et de la paresse intellectuelle de lire un texte.

Sauce municipale

Je suis pas mal pris dans le tourbillon des élections municipales par les temps qui courent. C’est une période faste pour les gens qui taquinent les politiciens dans les médias (Infoman et moi, genre). Je ne suis même plus sûr à quel point ça intéresse le public, mais c’est dur de passer à côté. Chaque jour il y a quelque chose de rocambolesque qui se passe dans l’une des municipalités du Québec et la campagne est très longue, contrairement aux autres paliers de gouvernement.

Faut dire aussi que la gouvernance municipale m’intéresse. J’ai étudié en urbanisme et je me sens interpellé. Jeff Fillion dit que les urbanistes sont les plus enragés des commentateurs de l’actualité, mais je me demande à qui il fait référence.

« Les urbanistes, c'est les plus enragés de la gang. C'est les plus enragés de la gang. C'est incroyable. Je ne sais pas pourquoi, quel genre de type de personnalité que ça prend pour devenir urbaniste. »

Les urbanistes ne se prononcent pas tellement sur la place publique, en fait. Probablement parce qu’ils sont pognés dans le trafic à cause des maudites pistes cyclables qui les empêchent de se rendre sur ladite place publique. Quant à moi, je suis urbanologue. J’ai appris à ne pas dire urbaniste, alors que Sam Hamad n’a pas appris à ne pas se dire ingénieur, lui qui n’est plus membre de l’ordre. Je lui proposerais de plutôt se présenter comme un génie. En tout cas, moi je trouve sa campagne géniale.

Je note comme tendance cette année la mise en avant de plusieurs candidats douteux qui se disent que dans le monde dans lequel on vit, ils ont des chances de gagner. Des Hell’s, des gens associés à des sectes, des trolls de l’internet. J’hésite à dire que c’est nouveau. Difficile de juger s’il y en a toujours eu où si c’est particulièrement le cas cette année. J’ai la mémoire courte. Je ne me souviens pas des élections précédentes tant que ça, et comme c’était à l’époque de La soirée, je ne les suivais pas au quotidien. C’est soit que leurs cas sont plus médiatisés, ou parce qu’ils sont plus nombreux parce qu’ils se sentent plus lousses. Ou bien c’est le hasard. Mais j’ai quand même le feeling que c’est la fameuse fenêtre d’Overton qui est grande ouverte.

Il me semble quand même qu’il y a quelques années à peine, on « discartait » un candidat parce qu’on avait trouvé une photo de lui sur la bolle de toilette. Cette année, un candidat a envoyé promené tout le monde sur les réseaux sociaux et sa cheffe a décidé que ce n’était pas grave (avant de décider que c’était quand même un peu grave). Une autre se plaignait des merdias il y a à peine deux ans. Un candidat croit bon aller jaser de sa campagne dans une Radio Pirate, comme si c’était aussi crédible que d’aller à LCN. Un candidat avait déjà dit qu’il y avait trop d’espaces verts à Montréal et qu’il ne recycle pas. Un candidat veut transformer Alma en cité religieuse et interdire les mosquées. Au moins trois candidats ont évoqué une sorte de lobby des organismes communautaires pour garder les itinérants dans la pauvreté. À QUB Radio, on invite même Ken Pereira comme si c’était un intervenant crédible en matière d’administration municipale.

Et que dire du chef d’Action Montréal, Gilbert Thibodeau, qui cite dans chacune de ses entrevues le C40? Pas juste lorsqu’il va voir la complotiste Amélie Paul. Probablement que le grand public ne le réalise pas, mais plusieurs théories du complot circulent autour de C40. Thibodeau fait du dog whistling (dilogie) et ceux qui savent, savent. C40 Cities Climate Leadership Group est un réseau mondial de grandes villes engagé contre la crise climatique. Montréal a rejoint ce réseau qui prône entre autres la ville 15 minutes. Or certaines personnes prétendent que le C40 cacherait un plan de contrôle social global. Ils y voient un plan mondial pour « interdire la viande et les voitures » et « imposer des villes de 15 minutes ». C40 serait contrôlé par les élites mondiales qui veulent détruire notre mobilité.

Faut dire que George Soros est lié à C40. Qui dit George Soros dit théorie du complot. En 2022, l’ancien chef du PCQ Adrien Pouliot en avant discuté avec Dominic Maurais, à Radio X.

« Adrien, c'est très, très bon. Qui finance ça? Au moment où tu me parles, je vérifie, et il y a entre autres Open Society Foundations qui finance ça, cet organisme-là à la tête d'un projet pilote de confinement climatique, dont fait partie autour de la table la mairesse Plante, et c'est qui, Open Society? George Soros! George Soros finance cet organisme-là, qui est co-dirigé par la mairesse de Montréal, à l'origine d'une expérience pilote de confinement climatique. Ce n'est pas de l'invention. Ce n'est pas de l'invention. On est dans le réel. C'est incroyable. »
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Dominic Maurais et Adrien Pouliot - Radio X
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/220.471541

Thibodeau en parle, donc, mais aussi Réjean Tremblay. Juste avant de démontrer de façon éloquente que les voitures n’avaient pas de lien avec les changements climatiques puisqu’il n’y avait pas de voitures pendant la dernière période glaciaire, il avait évoqué C40.

« M. Marchand, que je respecte (…), mais c’est sûr qu’il est dans C40. Ou en tout cas, il y aspire.
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Réjean Tremblay - Radio X
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/92.151723

Ces gens qui se disent à droite sont avant tout pas mal saucés. S’ils étaient vraiment à droite, ils feraient fi de leurs émotions et de leurs réflexes primaires pour analyser les données et constater que le transport urbain gagnerait en efficacité si la voiture prenait moins de place et que l’économie serait plus prospère si on s’occupait des changements climatiques. Une étude vient encore de le démontrer.

Bref, ces idées marginales, agressives ou désinformantes (si ça se dit) sont légion.

Dans La Presse la semaine dernière, Vincent Brousseau se demandait quoi faire avec l’extrême droite qui gagne du terrain. Certains lui ont reproché de ne pas avoir parlé de notre extrême droite locale. Sa définition de l’extrême droite s’applique probablement à quelques-unes de nos figures médiatiques et politiques. D’ailleurs, Vincent Brousseau parlait de la manifestation organisée par Tommy Robinson à Londres que quelques-uns ici ont trouvé inspirante.

Ceci dit, on pouvait lire dans le texte la constatation de David Morin, titulaire de la Chaire UNESCO en prévention de la radicalisation et de l’extrémisme violent de l’Université de Sherbrooke:

Des discours considérés comme marginaux et tabous il y a 10 ans sont aujourd’hui assez courants dans l’espace public. « Il y a clairement eu un changement de paradigme, constate aussi le professeur David Morin. L’extrême droite a réussi à dédiaboliser et à normaliser une partie de son discours. » 

Avant, ils étaient diabolisés, maintenant, ils font des balados en polo.

C’est le cas avec l’extrême droite, mais c’est le cas à plusieurs échelles. Les trolls, les criminels, les grenouilles de bénitier, les complotistes se disent que ce qu’ils font, c’est rendu grand public.

Plogues

Aussi, juste un mot pour vous dire que j’ai fait quelques petits changements pour rendre plus attrayante mon infolettre quotidienne. Vous me direz si ça vous plait. Et ne manquez pas Olivier Niquet en jaquette. J’ai ben du fun à faire ça.

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Lire un texte

Depuis mes tous débuts à la radio, on me reproche de lire un texte. Au Sportnographe il y a 16 ans, c’était les experts sportifs qui n’aimaient pas qu’on se moque de leur lapsus qui dénonçait notre incapacité de parler en regardant dans le vide. Aujourd’hui, ce sont les personnalités qui carburent à la réflexion jetable qui le font. Semble-t-il que ça m’enlèverait toute crédibilité que d’avoir pensé à ce que j’allais dire et de l’avoir couché sur pixels pour être sûr de bien exprimer ma pensée. Comme si les humoristes qui font des numéros d’humour sur scène ou à la télé n’ont pas appris un texte ou ne lisent pas un texte sur un téléprompteur. L’humour est plus efficace lorsque qu’écrit et « wordé » pour être comique.

Jacinthe-Ève Arel n’est pas d’accord.

Réfléchir à un sujet et l’écrire, c’est de la paresse intellectuelle. Improviser autour dudit sujet, ça c’est mieux. Quand même spécial comme déclaration.

Il faut aussi faire la différence entre la chronique et l’animation. Différence que ne semble pas faire Jacinthe-Ève.

Je vais peut-être être radical, mais je rêve d’un jour où tout le monde va écrire d’avance ce qu’ils dit pour être certain de ne pas confondre leur gros bon sens avec les faits.

Musique

Cate le bon, c’est bon.