Maurice Duplessis, le nouvel ordre mondial sur TikTok et l’exemple de l’Alberta

Maurice Duplessis, le nouvel ordre mondial sur TikTok et l’exemple de l’Alberta

Je n’ai pas grand-chose à vous dire sur l’élection d’hier. J’ai voté même si personne ne m’excitait. Vous pouvez réécouter mon billet idéologique à ce sujet et vous dire que je suis 50% moins indigné que ça, mettons.

À part de ça, si vous lisez cette lettre, vous savez déjà que je suis « multiplateforme » comme on dit dans le milieu... des plateformes. Je me dis que tant qu’à produire du contenu, aussi bien le diffuser partout où les gens sont.

C’est pour cette raison que je suis sur TikTok. J’y publie de courts extraits des chroniques que je filme déjà pour la radio. Certaines de ces vidéos sont vues par 25 000 personnes. Pourquoi me priver de cette visibilité? La seule chose, c’est que contrairement aux autres réseaux sociaux, l’algorithme de TikTok ne présente pas que des vidéos des gens auxquels vous êtes abonné. C’est pourquoi j’y reçois autant de haine. Il semble qu’il y ait plusieurs membres de la « complotsphère » qui sévissent sur TikTok.

On m’y parle du nouvel ordre mondial dont je serais un porte-parole. On me dit que mes enfants ne me pardonneront jamais d’avoir été pour la vaccination. On me dit que je suis payé par je ne sais trop qui pour dire de telles choses. On me dit que les médias trafiquent les entrevues qu’ils donnent. Et on me dit tout ça sur un réseau social fortement influencé par le gouvernement chinois, qui ne donne pourtant pas sa place en matière de censure.

L’attrait des complots

Bien sûr, c’est une infime minorité de personnes qui tiennent ce genre de propos. Mais ils sont très bruyants. Et crinqués. On les comprend, à lire et entendre tous les jours des personnalités qui disent que nous sommes dans une dictature et que les vaccins sont de la marde, il y a de quoi s’insurger. Les historiens du futur auront du plaisir à analyser les activités de ces fomenteurs de troubles. Si on se rend là, dans le futur.

Il y a aussi que c’est excitant d’adhérer à ce genre de théorie. On a l’impression de comprendre quelque chose que les autres « moutons » ne comprennent pas. Et c’est aussi divertissant, comme un bon film d’espionnage. Selon une étude du British Journal of Psychology, c’est payant psychologiquement de croire à des complots.

« Dans la première étude, 300 participants britanniques ont lu un article sur l'incendie de Notre-Dame à Paris le 15 avril 2019. Les participants ont été assignés au hasard à lire une version de l'article décrivant l'incendie comme un complot délibéré ou un accident tragique. Dans la deuxième étude, 301 participants américains ont lu un article sur la mort du délinquant sexuel Jeffrey Epstein, qui décrivait l'événement comme un meurtre commis par des personnes puissantes qui craignaient son témoignage ou comme un suicide. La version conspirationniste de chaque histoire avait tendance à être considérée comme plus intéressante, divertissante, importante, engageante, mystérieuse, aventureuse, captivante, excitante, accrocheuse et effrayante que la version officielle des événements. De plus, van Prooijen et ses collègues ont découvert que les participants qui considéraient le complot comme plus divertissant étaient plus susceptibles de l'approuver. »

C’est un peu comme le Da Vinci code.

L’exemple albertain

Au moins, il y a des raisons de rire un peu. Quand je regarde l’évolution des arguments de certains animateurs populistes, par exemple. Il y a à peine un mois, ils vantaient les autres provinces qui n’imposent pas de passeport sanitaire. Des terres de liberté.

Mais voilà que même l’Alberta a fait demi-tour là-dessus.

Ça fait an qu’ils nous disent qu’il faut faire comme l’Alberta et voilà que l’Alberta nous dit: on aurait dû faire comme le Québec.

Notez que vous pouvez être certains qu’à chaque fois que ces gens-là font des prédictions, ils seront solidement dans le champ. J’ai bien aimé celle du conseiller économique d’Éric Duhaime quelques jours avant le scrutin:

Étonnant que des gens les croient encore.

Duplessis et les wokes

L’influence de ces chroniqueurs et animateurs n’est pas négligeable. Il n’est pas dans la même catégorie, mais il faut donner à Mathieu Bock-Côté et ses collègues beaucoup de mérite pour avoir réussi à imposer dans l’univers politique la crainte du mouvement woke. Un vrai influenceur.

François Legault a même déclaré qu’il préférait ressembler à Maurice Duplessis qu’à un woke. Maurice Duplessis, qui régna sur la grande noirceur en censurant écrits et films parce que trop immoraux ou présumément socialistes. Il faut bien sûr s’inquiéter de la culture de l’annulation qui sévit dans certaines universités. Mais c’est probablement de la petite bière en comparaison de ce que faisait Maurice Duplessis.

Le terme « woke » est devenu une insulte pour n’importe quoi. Même pour ceux qui trouvent que les compétences des provinces n’ont pas à être respectées. J’imagine que ça se poursuivra jusqu’à ce qu’on trouve un nouveau filon plus prometteur.

Et pour finir dans l’exagération, j’ai oublié d’inclure à mon bêtisier la clip d’Anne-France Goldwater qui fait référence à la Gestapo 96 en parlant de la Loi 96. Ça me rend triste, alors la voici:

« I think that our tax dollars should go more towards education than to creating a new form of — please don’t get mad at me, I’m a Jew and it’s a language that comes to mind right away — we don’t need a new Gestapo where we’re starting to fink on each other. »

S’il vous reste du temps...

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