Les données, quossa donne?
Dans cette infolettre: l’hypernormalisation et les données de la CAQ, les jeunes hommes d’extrême droite, Michel Courtemanche se prononce sur Gaza, et pour les abonnés premium, un petit bien-cuit de Jean-Sébastien Girard.

Dans cette infolettre: l’hypernormalisation et les données de la CAQ, les jeunes hommes d’extrême droite, Michel Courtemanche se prononce sur Gaza, et pour les abonnés premium, un petit bien-cuit de Jean-Sébastien Girard.
La CAQ et l’hypernormalisation
J’étais en train de jouer au golf en banlieue d’une banlieue la semaine dernière et je pensais au monde qui s’écroule autour de nous. Un peu comme dans cette célèbre image d’un homme qui joue au golf pendant que les États-Unis brûlent:

Non mais estifi que ça va mal dans le monde. Et malgré ça, on continue de vivre notre vie (sauf sur le deuxième neuf ou je me suis un peu effondré). Ce n’est pas nécessairement de l’apathie autant qu’un réflexe de survie. Nous sommes peut-être dans une ère d’hypernormalisation, comme l’explique Andrienne Matei dans le Guardian:
« Hypernormalisation est un mot savant, un mot à 10 $, mais il capture l’atmosphère étrange et désastreuse des États-Unis en 2025. Articulée pour la première fois en 2005 par l’universitaire Alexei Yurchak pour décrire l’expérience civile en Russie soviétique, l’hypernormalisation décrit la vie dans une société où deux choses principales se produisent. La première est que les gens voient que les systèmes et les institutions de gouvernance sont brisés. Et la seconde est que, pour des raisons incluant un manque de leadership efficace et une incapacité à imaginer comment perturber le statu quo, les gens continuent leur vie comme si de rien n’était malgré un dysfonctionnement systémique – à quelques frayeurs, craintes, dénis et dissociations près. »
J’ai justement ce feeling que les gouvernements et institutions sont brisés. C’est sans doute moins prégnant qu’aux États-Unis, évidemment, mais à voir tout ce qui va mal chez nous, on a un peu l’impression qu’on ne s’en sortira jamais.
L’été dernier, en revenant du Japon, je me demandais pourquoi on ne pouvait pas ici avoir de belles choses comme là-bas, des choses qui fonctionnent. Mon amie Barbara-Judith me disait cette semaine qu’elle avait été impressionnée par son séjour en Finlande où « toute fonctionne ». Je dis pas que le Japon ou la Finlande n’ont pas aussi des problèmes, mais ce sont des problèmes probablement plus haut dans la pyramide de Maslow des besoins vitaux d’une société (si ça existe). Ici, on a l’impression que rien ne marche.
On a aussi l’impression qu’on sait comment on pourrait s’arranger pour que ça fonctionne, mais que nos gouvernements décident de s’en ficher. Il y a bien sûr le cas du 3e lien. La CAQ a décidé d’un trajet, trajet qu’elle avait elle-même écarté il y a quatre ans. La ministre a choisi le corridor qui avait « obtenu la pire note parmi les corridors analysés » en 2021. En parallèle, une étude a déterminé que le 3e lien allait faire économiser pas moins de… 2 minutes 18 secondes aux automobilistes de Québec. Deux. Minutes. Dix-huit. Secondes.
Le député de la Beauce Samuel Poulin a tellement bien décrit l’attitude de son parti dans ce dossier:
C’est un exemple parmi tant d’autres de l’aveuglement volontaire de ce gouvernement. Dans plusieurs autres dossiers, on ne se bâdre pas trop trop des données, ce qui est quand même étonnant venant d’un parti mené par un comptable qui privilégie l’économie.
Je me suis aussi enfargé dans cette donnée dans une chronique de Josée Boileau sur le tutoiement.
« Selon un sondage de la Fédération des syndicats de l’enseignement, seulement 6 % des membres consultés lient civisme et vouvoiement. »
Mais Bernard Drainville s’en balec. Il a décidé d’imposer unilatéralement le tutoiement dans les classes. Tant pis si c’est inutile. Il avait fait la même chose avec les toilettes mixtes. Une initiative basée sur ses feelings. On a presque l’impression que ce genre de mesures qui font réagir ne servent qu’à nous faire oublier les « coupes astronomiques » qui sont prévues en éducation. Ce qui est le plus fâchant, c’est que tous les médias embarquent dans ce jeu.
Par rapport à tout ça, Mathieu Bélisle est assez… lucide?
« Ces jours-ci, ma foi dans le fameux modèle québécois vacille. Et si je m’inquiète, c’est parce qu’il m’apparaît de plus en plus clair que l’enrichissement favorisé par l’instruction n’a pas débouché sur une culture forte et consciente d’elle-même, qu’en dépit de tout ce qui a pu favoriser notre essor, nous sommes restés pauvres : adeptes du rafistolage et des économies de bouts de chandelle, du bas de gamme et du broche à foin, naviguant le plus souvent à courte vue, au gré des modes et des humeurs, rechignant à voir large et loin, sans grand intérêt pour le patrimoine et la suite du monde. Comme si une partie de nous était demeurée en mode survie. »
J’ai aussi cette impression que plutôt que d’avancer, on recule.
J’essaie de me rassurer en me tournant vers les jeunes de nos jours. C’était la graduation de mon plus vieux cette semaine. Fini le secondaire pour lui. À le voir et à voir ses congénères, je me dis qu’il y a de l’espoir en l’avenir. Mais je me dis aussi qu’ils vivent à une période complètement débile. Un point tournant de l’humanité. Et qu’il va falloir qu’ils travaillent fort en mautadit pour que ça vire du bon bord.
Les jeunes hommes d’extrême droite
On parle d’ailleurs beaucoup depuis quelque temps des jeunes hommes qui sont de plus en plus à droite. Cet article du Guardian (encore), essaie de remettre les choses en perspective:
« Les niveaux de soutien aux partis d’extrême droite chez les jeunes sont en effet plus élevés que jamais dans de nombreux cas. Mais les articles sur ce sujet omettent souvent de mentionner que les partis d’extrême droite ont augmenté leur soutien global, et que le soutien parmi les autres groupes d’âge est au moins aussi élevé. Une étude des élections européennes de 2024 a même montré un soutien plus faible aux partis d’extrême droite chez les jeunes électeurs (âgés de 16 à 29 ans) que chez les électeurs plus âgés. Plus intéressant encore, alors que les jeunes hommes ont voté pour les partis d’extrême droite dans des proportions similaires aux hommes plus âgés, les jeunes femmes ont moins voté pour les partis d’extrême droite que les femmes plus âgées. La plupart des recherches montrent que les jeunes – femmes et hommes – ont des valeurs plus progressistes que les générations précédentes. Bien qu’il existe un écart entre les sexes plus important chez les jeunes, la principale raison n’est pas un virage à droite chez les jeunes hommes, mais un virage à gauche marqué chez les jeunes femmes. »
Mais encore une fois, nous ne sommes pas capables de voir la « big picture ». Incapable d’évaluer une situation au-delà des grands titres et des reels. Et ça fait l’affaire de l’extrême droite, nous dit l’auteur du texte: « Étant donné que les hommes sont la norme, ce qu’ils sont supposés faire ou penser est jugé « normal », ce qui signifie que tous les politiciens devraient élaborer des politiques de « bon sens » pour les satisfaire. »
Je pense qu’il faudrait penser aux jeunes femmes et miser sur elles plutôt que de tout investir pour sauver les jeunes hommes.
Grimaces et Gaza
La programmation estivale de QUB radio est rafraichissante. Ici, Marc Boilard reçoit Michel Courtemanche pour parler de Gaza et de l’Iran. Il y est question des « Hell’s Angel de religion » et des gangs de rues qui s'allient avec l'islam pour péter des fenêtres.
« - Comment tu fais pour déceler la bonne nouvelle de celle qui est biaisée?
- Écoute, je fais un gros effort. Je regarde comme il faut. »
Incroyable quand même. Les médias parlent de ces sujets mur à mur. Mais un humoriste préretraité a fait ses recherches et pense qu’on nous cache des choses. Et on se dit que c’est pertinent de lui donner la parole. Décourageant.
Preuve #12828 que les influenceurs populistes n’aiment pas le monde
Encore une fois, Jérôme Blanchet-Gravel nous expose tout son amour du peuple.

Ces gens se pensent vraiment meilleurs que tout le monde.
Musique
J’ai rédigé cette infolettre en écoutant la trame sonore de The Bombing of Pan Am 103. Je sais pas c’est quoi, The Bombing of Pan Am 103, mais la musique de Mogwai, c’est toujours un bon background.
⚑ PREMIUM: Ce qui ne sera pas dans le roast de Jean-Sébastien Girard
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