Le langage clair n’éclaire pas toujours loin
La langue de bois au service des fascistes, la peur d’avoir peur comme modèle d’affaire et pour les abonnés premium, la fois où Richard Martineau est presque venu à notre émission de radio.

Cette semaine: la langue de bois au service des fascistes, la peur d’avoir peur comme modèle d’affaire et pour les abonnés premium, la fois où Richard Martineau est presque venu à notre émission de radio.
Le langage clair
Le Journal de Montréal nous a offert cette semaine un nouvel article dans la série « toute va mal » où il est question d’une formation sur le langage clair. En gros, le Protecteur national de l’élève a dépensé 133 000$ « pour former ses employés à s’exprimer simplement dans leurs échanges avec la population ». Ça me rappelle les promesses de Pierre Poilievre, en 2022, qui voulait faire adopter une loi sur le langage clair qui allait « exiger que le gouvernement publie des documents avec le moins nombreux et les plus simples mots possibles ». Il avait donné cet exemple:
« Certains vont dire que la simplicité est la même chose que la stupidité, mais Einstein aurait dit autrement lorsqu’il a écrit E=MC2. Est-ce que la formule aurait été plus brillante si ça avait pris des pages et des pages de complexité de l’utiliser? Je pense que non. »
Pas mal sûr que la relativité restreinte s’explique sur plusieurs pages, mais bon. À marteler toujours les quelques mêmes formules, on a presque l’impression que Pierre Poilievre aimerait qu’on ne s’exprime que par onomatopées. Mais je m’éloigne du sujet.
Il reste que le Protecteur national de l’élève n’est pas à une contradiction près lui non plus. On peut lire dans le Journal:
« Le mandat qu’a reçu la firme de services-conseils montréalaise En Clair est pourtant résumé par une formule quelque peu alambiquée: «offrir de la formation et de l’expertise sur les concepts de langage clair».
Bref, beaucoup de concepts vaseux pour expliquer l’importance du langage clair. Ça ne veut pas dire que ce n’est pas important d’apprendre à bien communiquer et je me méfie toujours de ceux qui dénigrent les gens qui définissent des concepts précis avec des mots idoines (oui, j’ai utilisé le mot « idoine »). Ce n’est pas toujours du pelletage de nuage.
Par contre, je pense que l’utilisation dans l’espace public de la langue de bois par les organisations publiques nuit beaucoup à la perception des projets. C’est particulièrement le cas en urbanisme. Je me souviens, quand j’étudiais dans le domaine, on nous sortait sans cesse des concepts flous et/ou vertueux. Le développement durable. Le transport actif. La participation citoyenne. Et tout ce qui se termine par « vert »: toits verts, route verte ou le thé vert. C’est excellent pour tout, le thé vert. Sauf peut-être pour le goût.
J’ai fait quelques chroniques à la radio il y a trois ans sur de nouveaux aménagements urbains à Montréal et j’étais fasciné par les communiqués qui expliquent ces aménagements qui contenaient beaucoup de phrases qui ne voulaient pas dire grand-chose. J’ai par exemple assisté à l’inauguration d’un ilot de travail en plein air. On nous a dit que «Le greendesking, c'est un lieu de workation pour ceux qui font du bleisure. Tout ça dans une optique de placemaking. Ce sont vraiment les mots utilisés par les gens qui ont présenté le projet. Je pense que les gens dans les médias se servent de ça pour discréditer des fois des aménagements très intéressants, mais qui sont bizarrement vendus.
Tout est dans la façon de présenter les choses. Parce que les commentateurs qui ont des opinions sur tout et qui monopolisent les ondes, lorsqu’on dit « transport actif », ils traduisent ça par « faire du vélo l’hiver avec un bébé dans un chariot avec pas de casque ».
Je viens de terminer la lecture de « Devenir fasciste » de Mark Fortier. Il évoque aussi cette idée:
« Ainsi, la Ville de Québec n'a pas démoli le monastère des Dominicains, sur la Grande Allée. Elle l'a «déconstruit». Anne Hidalgo, périphraseuse de haut calibre, ne se préoccupe pas des clochards de Paris ni des itinérants, pas même des SDF, mais d'énigmatiques « personnes en situation de rue». Dans ses discours, les espaces publics parisiens, réputés impétueux et créatifs, deviennent des « lieux pacifiés et multi-usages», et la circulation routière, source universelle d'anxiété et de rage, se transforme en de lénifiants «déplacements apaisés ». Le président d'une commission scolaire de Québec a renoncé au mot « parent », lui préférant la locution plus clinique de « faiseurs d'enfants». À Montréal, l'« urbanisme transitoire» est mis de l'avant par la Ville, car « il représente une opportunité exceptionnelle pour poser des gestes marquants dans des lieux significatifs pour la population». Le gestionnaire d'une grande entreprise canadienne rappelle que « chaque direction doit faire son travail pour resserrer les guides, optimiser les ressources, favoriser la responsabilisation et le ciblage, en particulier au chapitre de la présentation de résultats et de la transparence ».
Pourquoi ces euphémismes et cette langue de bois? Je trouve que si on ne parle pas le langage des gens, on n’en arrivera pas à les convaincre de l’importance d’une idée. Surtout, on laisse entièrement le champ libre aux influenceurs mal pensants pour se moquer d’initiatives qui pourraient pourtant faire avancer le monde. Dommage.
Même devant les résultats concrets, ils sont capables d’être négatifs. Cette vidéo de Samuel Grenier m’a fait beaucoup rire cette semaine.
@sam.en.direct ♬ son original - SAM EN DIRECT
D’abord, dire que Lille est grande comme Montréal, faut être quelque peu dans le champ. Aussi, c’est quand même comique de le voir décrire une superbe rue dont rêveraient les résidents de plusieurs quartiers, mais en présentant ça comme un mauvais aménagement.
Quelqu’un m’a décrit ainsi la vidéo sur Bluesky: « voici un beau gâteau, regardez le glaçage et comment il est moelleux, si on fait rien ils vont nous en servir bientôt. » Ça fait peur!
Semble-t-il en passant que toutes traces de Samuel Grenier aient disparu du site de Radio X…

Tiens, tiens.
Slow news été
Justement, ces gens se moquent de la langue de bois, mais aussi de n’importe quelle nouvelle en lien avec ce qu’ils décrivent comme une peur d’avoir peur de toute.
Grosse semaine en la matière. C’est rendu que ce n’est pas correct de prévenir les gens des dangers de la canicule.

Parce que tsé, c’était bien mieux dans le temps où on ne faisait pas attention de ne pas mourir de chaleur. Semble-t-il aussi qu’il faut arrêter de vouloir faire attention aux personnes autistes.

Rendu-là, on pourrait aussi abolir tous les aménagements accessibles. Ça va faire, faire attention aux autres! Mettre des screenshots d’articles pour montrer qu’on a peur de tout est devenu le modèle d’affaires le plus simple à implanter du commentariat douteux.
Fiori
Dominic Maurais a bien récupéré le décès de Serge Fiori (bon, il n’est pas le seul).

Mais ça me fait quand même rire (ou pleurer) de voir que celui qui chantait « on a mis quelqu’un au monde, on devrait peut-être l’écouter » est glorifié par des gens qui se disent « après moi la fin du monde ». M. Maurais et ses amis font tout pour délégitimiser les revendications des jeunes de nos jours. Ils ont mis quelqu’un au monde et leur disent: « écoutez-nous, vous connaissez rien ». Pathétique.
Musique
Des fois, j’écoute encore du Propagandhi. Ils ont un nouvel album.
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