Le baratin de la guerre entre villes et régions

Au menu: sondages radio, Montréal comme ville du tiers monde, un Banksy à Saint-Jérôme, la montée de la droite tech et les nouveaux punks.

Le baratin de la guerre entre villes et régions

J’ai hâte à Noël. Ou plutôt, j’ai hâte aux vacances pour prendre une petite pause du tumulte de l’actualité incessante. Des fois, mine de rien, ça épuise d’écouter les opinions de tout le monde, tous les jours.

En attendant, merci à tous ceux qui m’écoutent quotidiennement sur Ohdio. Olivier Niquet en jaquette est parmi les balados les plus écoutés de la plateforme et ça me fait plaisir de savoir que je ne parle pas dans le vide. Ça me fait aussi plaisir parce que je ne bénéficie d’aucune autre promotion que celle que je me fais moi-même (désolé, c’est pour ça que je suis gossant de même).

Numéris

La journée est encore jeune est aussi, et de loin, l’émission la plus écoutée sur Ohdio (où l’on distingue balados et émissions de radio). Les cotes d’écoute sont aussi très bonnes, mais au fil du temps, on en vient qu’à ne pas vraiment s’en soucier. Peut-être parce qu’on est à Radio-Canada, vous direz, et vous auriez raison. Les cotes d’écoute pèsent moins dans la balance que pour les stations qui vendent de la pub. Mais il reste qu’entre 13h et 13h30, nous sommes l’émission la plus écoutée à Montréal. Pourtant, au moins une fois par semaine, un clown m’écrit sur les réseaux sociaux pour me dire que je ne survivrais jamais au privé. Il faudrait être un bien mauvais homme d’affaires (une personne d’affaires?) pour être incapable de monétiser ce genre de succès.

Mais bon, j’arrête de me vanter maintenant. J’étais surtout curieux de voir les données d’écoute de cet automne à cause de l’arrivée de QUB Radio. Certains médias nous avaient promis un combat de titans entre Lagacé et Dumont et entre le 98,5 et le 99,5 en général. Mario Dumont avait modéré les attentes avec raison. QUB fait à peine plus que WKND faisait en termes de parts de marché sur la même fréquence l’automne dernier. On a pu lire dans La Presse:

« Mario Dumont le matin dépasse à peine les 2 parts de marché. Richard Martineau à l’heure du retour fait encore moins bien. »

Québecor se rabat sur une tendance à la croissance dans les dernières semaines pour se réjouir. Il est bien probable que les cotes d’écoute progressent effectivement. La force de TVA et de ses personnalités finira sans doute par percoler vers QUB. Cela dit, je me demande si la stratégie d’y aller all-in dans la dénonciation des wokes est une bonne idée. J’ai l’impression que quelqu’un qui se fait parler des wokes au petit-déjeuner, au dîner et au souper pourrait un moment donné être saturé. J’ai cette impression parce que j’écoute QUB et que je suis justement, saturé. Cet auditeur pourrait aussi vivre une certaine déconnexion d’avec la réalité. Le dernier sondage Léger a montré que seulement 33% des Québécois appuyaient Paul St-Pierre-Plamondon dans son combat contre les wokes.

Les excès de bannissement et l’exagération dans les accommodements sont bien sûr des choses qui existent, mais l’emphase mise sur le phénomène est disproportionnée. Les gens ne sont pas confrontés aux wokes partout tout le temps dans leur quotidien. Ils sont surtout confrontés à ceux qui leur en parlent sans cesse. Je veux bien croire que 33% de gens qui veulent combattre les wokes sont peut-être suffisants pour faire élire un parti, mais le problème, c’est que le PQ n’est pas le seul parti qui veut miser là-dessus. La CAQ et le PCQ ont aussi ce discours et devront partager la tarte de cette colère avec le PQ.

Maintenant, est-ce que cette proportion de personnes qui s’inquiète du wokisme pourrait faire vivre QUB radio? C’est ce que nous verrons. J’ai beaucoup entendu dans les dernières semaines, à travers les médias que j’écoute, des gens optimistes qui disaient que l’élection de Trump s’expliquait par un retour du balancier et qu’on voyait venir la fin des politiques d’équité, diversité et inclusion. C’est peut-être le cas aux États-Unis, je ne sais pas. Mais à la lumière du sondage Léger et des sondages radio, j’ai l’impression que le retour du balancier, c’est que les gens ne sont plus capables d’entendre parler de ce sujet-là. Je vais donc immédiatement passer à un autre sujet.

Plogues

La Mexico du nord

Parlant de radio, la semaine dernière, un animateur de radio de Québec a raconté être venu à Montréal pour un tournoi de hockey et a déploré qu’un des parents de l’équipe se soit fait voler son char. C’était la troisième fois que ça arrivait, a-t-il dit.

« Mais il y a une réalité à Montréal qui est incroyable, qui est extrêmement inquiétante. T'as l'impression un peu que t'arrives dans une ville, tu sais, des genres de villes, genre je me suis juste allé à Mexico il y a quelques années pis t'as l'impression d'arriver dans une ville d'un pays en développement parce que t'as quasiment une chance sur cinq de te faire voler ton char. Il y a de plus en plus malheureusement, tu sais, des attaques dans le métro à certaines heures, mais la qualité de vie dans cette ville-là s'est détériorée d'une façon épouvantable. »

Beaucoup de choses dans cette déclaration. D’abord, on parle d’une anecdote. Même si c’est (prétendument) arrivé trois fois, on peut difficilement en tirer des conclusions. Ensuite, le chiffre de « une chance sur cinq » de te faire voler ton char sort de nulle part. En 2023, 12 000 véhicules ont été volés à Montréal. C’est beaucoup, mais c’était un sommet. Les vols auraient diminué de 30% au début de cette année.

Surtout, évoquer ça, en plus des manifestations violentes et des « attaques dans le métro » pour dire que Montréal est une ville du tiers monde relève du baratin. Jocelyn Maclure avait évoqué la différence entre le menteur et le baratineur dans un texte l’an dernier: « Alors que le menteur connaît la vérité et la nie sciemment, le baratineur est indifférent à la qualité épistémique de son propos ; il mêle le vrai, le faux et l’approximatif afin d’atteindre son but sans considération aucune pour la rigueur et la vérité. » Dans ce cas-ci, le but est d’accentuer la division entre Montréal et le reste du Québec pour plaire à ceux qui craignent de traverser les ponts et d’être pris dans un nid de poule sur le Plateau.

Bizarrement, l’animateur en question avait amené le sujet en disant qu’il n’aimait pas jouer sur cette guerre Montréal-Québec. Difficile de trouver une autre motivation, pourtant. Je suis presque aussi tanné de cette guerre culturelle entre villes et régions que de la guerre au wokisme. Vous direz peut-être que je contribue à ça en me moquant des radios de Québec, mais je ne me moque pas de Québec et de ces gens. J’adore Québec et j’y vais régulièrement. J’y vivrais certainement (surtout si les Nordiques finissent par revenir). Je cite souvent les radios de cette ville, mais c’est pas mal proportionnel à leur population. C’est peut-être 10%-15% des extraits de mes chroniques. Ces médias font partie du paysage médiatique d’ici.

À peine quelques jours plus tard, Berkshire Hathaway mettait Montréal au 6e rang des grandes villes les plus sécuritaires au monde. Je ne sais pas si ce genre de palmarès vaut quelque chose, mais je sais qu’il n’y a aucune chance que Mexico s’y trouve en bonne position. Je sais surtout que quiconque vit à Montréal sait que c’est une ville sécuritaire et que la qualité de vie y est très bonne. D’ailleurs, l’autre jour, j’ai trouvé un 20 piasses par terre. Si vous venez à Montréal, vous avez une chance sur cinq de trouver de l’argent par terre. Mets ça dans ta pipe, Mexico.

Banksy à Saint-Jérôme

Saint-Jérôme n’est pas particulièrement la ville la plus esthétique du Québec, mais Jean Bourbeau y a fait une belle découverte.

« C’est en scrollant nonchalamment sur Marketplace, entre des vestes usagées, des chaises et des patins à roulettes de seconde main, que mon pouce s’est arrêté net. Un hélicoptère peint au pochoir, orné d’une boucle jaune. Un style reconnaissable au premier coup d’œil : Banksy. Prix affiché : 19 699 $. Lieu : Saint-Jérôme. WTF? Mais comment une œuvre de l’un des artistes les plus subversifs et influents de notre époque s’est-elle retrouvée dans les Basses-Laurentides, noyée parmi des annonces anodines? »

On dirait que ça se peut pas.

Un Banksy à Saint-Jérôme
Derrière le mystère d’une annonce Marketplace.

La droite tech au pouvoir

Deux textes récents sur les milliardaires de la techno qui sont en train de faire un take over des États-Unis avec l’élection de Trump. D’abord, Le monde nous explique comment la « droite tech » a changé d’allégeance. On s’en doutait, c’est beaucoup une question de régulation: « la mise en place de régulations du développement et de l'usage des intelligences artificielles (IA) ont poussé certains entrepreneurs dans le camp adverse. » Ils ont appuyé Trump surtout parce qu’il promettait de ne pas imposer de réglementations à la big tech. Ou l’inverse: Trump a promis de ne pas réglementer pour avoir leur appui.

Tout ça même si ces entreprises étaient plutôt progressistes jusqu’à récemment:

« Il semble qu'il faille en appeler à une valeur commune aussi abstraite que l' « épanouissement de l'être humain » pour résoudre la contradiction de cette alliance entre le parti de la tradition, qui tient le langage de la nostalgie d'une Amérique perdue, défend désormais un retour à une économie pré-New Deal, protectionniste et isolationniste ; et une industrie aux intérêts supranationaux, qui promet au monde les bouleversements les plus violents et les plus incertains. »

Il y a des partis « progressistes conservateurs », alors pourquoi pas.

Henry Farrell de Programmable Mutter est d’accord pour dire que c’est un drôle d’arrangement.

« Alors, comment cela explique-t-il les récentes tensions entre les progressistes et la Silicon Valley ? Mon hypothèse est que nous vivons les conséquences immédiates de deux crises imbriquées. La première est une crise de l’ordre politique américain : la fin du néolibéralisme qui a dominé pendant des décennies, introduit notamment par Friedman et d’autres. La seconde est une crise intellectuelle au sein de la Silicon Valley : la fin de ce que Kevin Munger appelle le « Consensus de Palo Alto ». Tant que le néolibéralisme façonnait la vision du monde du Parti démocrate américain et que le Consensus de Palo Alto influençait celle de la Silicon Valley, le progressisme soi-disant éclairé et la Silicon Valley pouvaient coexister harmonieusement. Lorsque ces deux piliers se sont effondrés à peu près en même temps, de nouvelles idées ont émergé, et de nouvelles coalitions ont vu le jour, aussi bien chez les démocrates de Washington que dans la Silicon Valley. Ces coalitions partagent beaucoup moins de points communs que les précédentes. »

Bref, j’ai l’impression que c’est ce qui va le plus influencer le monde à venir.

Cette semaine, un sondage sur les habitudes de consommation médiatique des Canadiens (c’tu moi où y’a un sondage de même toutes les semaines?) nous disait que les gens font encore confiance aux médias, mais moins aux influenceurs:

« La confiance accordée à ces influenceurs a baissé en un an : si 68 % des Canadiens sondés trouvaient leur contenu crédible l’an dernier, ils sont 63 % cette année à être de cet avis. Quand on demande aux répondants s’ils font « totalement ou assez confiance » à des sources de contenu, la radio traditionnelle arrive en tête avec 80 % de réponses positives. Les journaux papier arrivent en deuxième position, avec 79 %, suivis des sites web de nouvelles (76 %), de la télévision (75 %) et des journaux numériques (72 %). »

Je pense bien qu’avec les milliardaires lâchés lousse tout ça pourrait changer rapidement…

Punk

Je me demande si Rémi Villemure, stagiaire antiwoke de QUB, et Gilles Proulx se trouvent vraiment punks…

On n’a plus les punks qu’on avait…

Musique

J’aime bien le nouvel album de Mon doux saigneur!

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