C’est une langue belle avec des mots superbes (sauf des fois)

Semaine difficile pour ceux dont le char était encore enseveli sous la neige, ou pire, pour ceux qui ont dû regarder le débat des candidats pour succéder à Justin Trudeau. Quel enfer.
Les abonnés top-premium pourront lire à la fin de cette infolettre le récit d’un party auquel j’ai participé et où se trouvaient Biz, Yama, Marc Déry, Richard Abel et Chicoine. Pensez à ça.
La plotte à terre
J’ai l’air d’être souvent sur TikTok parce que je vous parle de mes découvertes chaque semaine, mais pour vrai, je dois y aller environ une heure par semaine. Et cette fois-ci, je ne suis pas tombé sur des vidéos de philosophes français, mais sur des vidéos de jeunes femmes qui font du lipsync sur les paroles abjectes d’un rappeur québécois.
Traumavertissement, c’est cru:
@alyciacloutier5 #rapquebecois #fyp #foryoupage❤️❤️ #pourtoi #mtl
♬ Condom - Kalibre & MOP
C’est un exemple parmi tant d’autres. La pièce date de 2022 et s’appelle « condom ». Le rappeur en question s’appelle Kalibre. Celles qui l’ont récupéré écrivent des trucs du genre « le rap québécois de nos jours », ou « le rap québécois, c’est trop bon ». Je ne sais pas qui a parti ce « trend ».
Je suppose que l’idée est de dénoncer les propos dégueulasses du rappeur et je trouve ça cool que ces jeunes femmes montrent la débilité de la chose avec ces vidéos. On dirait que ça fesse plus parce que c’est en québécois. Ça m’a toujours étonné de voir des gens écouter dans le tapis du rap avec des pussy à toutes les deux phrases.
Ça me rappelle quand Richard Martineau et/ou Sophie Durocher et/ou Benoît Dutrizac avaient parlé de la toune WAP (wet ass pussy) de Cardi B.
Mme Durocher avait traduit ça par « Petit minou mouillé » au bénéfice de Denise Bombardier en 2020:
Richard Martineau et Benoit Dutrizac y étaient aussi allés de leur traduction il y a deux mois, 5 ans en retard. Ils voulaient comparer la glorification de cette chanson à la « cancellation » de Baby it’s cold outside parce que les paroles évoquaient le harcèlement des femmes.
Dans la toune de Kalibre, ce sont les paroles et les intentions qui sont condamnables, mais je trouve toujours ça bizarre à quel point on utilise peu les jurons dans la culture d’ici alors que les fuck, motherfucker dick et autre pussy coulent à flot dans ce que l’on consomme en anglais. Ce n’est jamais traduit comme ça devrait avec des câlisses et des graines. C’est tellement rare que nos films cultes le sont presque seulement à cause de ça. Elvis Gratton mettons. Ou Slap Shot (c’est pas un film d’ici, mais on se l’est approprié à cause de la langue).
On est davantage choqués parce que les paroles sont en québécois, mais ce n’est pas typique du rap québécois, c’est typique du rap tout court. Dans tous les cas, entre il faut distinguer la vulgarité de la misogynie et de la violence, je suppose.
Et désolé, la toune de Kalibre, elle reste un peu dans la tête…
Encore la bureaucratie
Le gros sujet en politique québécoise cette semaine n’était malheureusement pas la culture d’ici, mais la culture d’entreprise de la SAAQclic et/ou du ministère de l’internet. J’ai fait quelques chroniques à ce sujet et Éric Caire, le Averell Dalton du quatuor impliqué dans ce dossier, a fini par démissionner (aucun lien avec mes chroniques, cela dit).
J’ai toujours été mystifié par l’argent qu’engouffraient les gouvernements, les compagnies ou les individus dans des projets informatiques. Je trouve que ça démontre une grande méconnaissance de l’informatique, ce qui est assez troublant considérant que nous vivons dans un monde où tout dépend des technologies. Qu’un individu ou une petite entreprise investisse des milliers de dollars pour un site web me dépasse considérant que c’est assez simple de bâtir un site, même transactionnel, avec des outils gratuits ou peu coûteux. Bien sûr, il y aura peut-être de l’argent à mettre dans le graphisme, mais encore là, une personne qui a un peu de goût peut faire un design simple et efficace. Dans Paint, mettons.
Il me semble que tout le monde devrait avoir des notions de programmation de base et comprendre ce qu’est une base de données. Bien sûr, je parle ici de projets à petite échelle et pas d’une grosse patente comme SAAQclic, mais je suis sûr qu’il y a une partie de ses problèmes qui découlent de l’ignorance des donneurs d’ouvrage et une autre partie de l’influence indue des grandes entreprises. Dans le cas de SAAQclic, on nous dit que « la VG a révélé dans son audit que l’éditeur de logiciels SAP avait « contribué de façon importante à la documentation des besoins de la SAAQ » avant de finalement mettre la main sur le contrat pour l’implantation de CASA. » Donc ils ont déterminé les paramètres du contrat avant de soumissionner pour ledit contrat.
Les compagnies comme SAP ont des systèmes très sophistiqués qui sont utilisés partout dans le monde. Je me souviens à l’époque où je travaillais chez Nortel Networks (je faisais le suivi de commandes de bouts de gugusses de fibres optiques qui valaient des millions alors que j’avais 18 ans, alors ne vous demandez pas pourquoi ça a planté, Nortel), la compagnie utilisait le logiciel BaaN et je me souviens que le plan était d’aller vers SAP. C’était un chantier très complexe. On est loin du bon vieux AS/400.

Je trouvais ça vraiment lourd comme système à l’époque. Exagérément compliqué, comme si l’entreprise voulait pouvoir continuer à siphonner leurs clients en offrant du service à la clientèle, des formations et des mises à jour. Bon, c’est il y a plus de 20 ans, sans doute que les choses ont changé depuis. Mais le plus inquiétant, c’est que des politiciens se servent de ce fiasco pour justifier un ménage dans l’appareil public qui pourrait vouloir dire de céder encore plus au privé. Comme le dit Jean-Philippe Décarie-Mathieu dans son infolettre, il ne faut pas être cynique comme Emmanuelle Latraverse et rêver d’un DOGE à la Musk chez nous:
« Si l’histoire de SAAQclic est un bel exemple de dilapidation honteuse des fonds publics, le danger ici, c’est d’appliquer cette dénonciation parfaitement légitime à l’ensemble des programmes gouvernementaux qui ne font pas notre affaire. Il y a une grosse marge entre vouloir éviter les gouffres financiers, comme de plus en plus de projets technologiques du gouvernement semblent le devenir, et considérer n’importe quel programme, qu’il soit de type DEI (diversité, équité et inclusion) ou non, comme étant du «gaspillage». S’il y a beaucoup de talents dans les rank and file au gouvernement, là où c’est moins impressionnant, c’est au niveau du leadership (lire: hauts fonctionnaires). »
Selon lui, ce sont ces hauts fonctionnaires qui bloquent les élans de changements.
Si la bureaucratie m’a toujours découragé et que je rêve qu’on optimise les processus dans les gouvernements, je pense que ça ne doit pas se faire au détriment des employés compétents, mais plutôt au détriment des forces pas très vives qui se complaisent dans le statu quo.
Espérons qu’ils vont trouver quelqu’un qui connaît un peu ça pour remplacer Éric Caire…
Plogues
- 🎥 OLI 24/7 - Résumé de la Confrontation des 4 nations, genre
- 🎥 OLI 24/7 - Pierre Poilievre dans un nid de coucous et Radio-Canada fomente un coup d'État
- 🎥 OLI 24/7 - Débat au PLC: unis dans la monotonie
- 🎥 OLI 24/7 - SAAQclic et l'amnésie numérique d'Éric Caire
- 🎥 OLI 24/7 - Le 3e lien de Charles Milliard et le Bovril de Marc Tanguay
- 🎥 OLI 24/7 - Les derniers moments d’Éric Caire avant sa démission
Zero Day
J’ai regardé la série Zero Day sur Netflix avec Robert De Niro qui joue un ancien président des États-Unis qui vient donner un coup de main suite à une cyberattaque mystérieuse. Ce n’est pas très bon, mais assez divertissant pour que je la regarde au complet. Il faut dire que par les temps qui courent je passe pas mal mes fins de semaine à regarder la TV en compagnie d’une gélule très douce de THC (genre c’est à peine si ça me donne un sourire en coin). Comme je n’ai pas beaucoup de temps la semaine pour regarder des choses qui ne sont pas liées au travail, je ne me sens pas coupable de ne rien faire.
Tout ça pour dire qu’à un moment donné, Robert De Niro dit à quelqu’un qu’il ne fait pas la différence entre « freedom » et « liberty » en référence à une citation de Benjamin Franklin qui va comme suit: « Those who would give up essential Liberty, to purchase a little temporary Safety, deserve neither Liberty nor Safety ». Elle est d’ailleurs souvent mal interprétée. Mais voici ce que Robert dit dans la série:
« It's liberty we shouldn't sacrifice for safety. Not freedom. Freedom it's what allows people like you to do whatever you want. Liberty is what protects the rest of us from people like you. »
Ça m’a fait réaliser qu’il n’y avait pas vraiment d’équivalent de ces deux mots distincts en français.
La « liberty », est plus globale et associé à une autorité qui encadre la société, comme dans « droits et libertés », alors que « freedom », c’est plus le sentiment que vous avez quand vous faites une randonnée en montagne. Tsé quand on se sent libre comme l’air parce qu’on n’a personne qui nous dérange et vice versa. Le sentiment aussi qui nous fait dire: « j’ai l’doua ».
Quand nos influenceurs parlent de liberté, ils se disent « j’ai l’doua », alors que la liberté, c’est aussi s’organiser pour que tout le monde ait sa liberté sans que quelqu’un qui a l’doua décide de vous sacrer un coup de pied dans les chnolles parce que ça lui tente. J’imagine qu’en français on pourrait utiliser « liberté » et « libarté » pour distinguer les deux…
Un Joe Rogan de gauche
La journaliste montréalaise Rachel Gilmore a eu une discussion avec Katmabu, une observatrice des médias populiste, et elles ont évoqué l’idée d’un Fox News ou d’un Joe Rogan de gauche:
@rachel_gilmore NEW EPISODE OF BUBBLE POP FEATURING @Kat Abu DROPPING WITHIN THE HOUR 🫧
♬ original sound - Rachel Gilmore
« Est-ce qu'il devrait y avoir même un Joe Rogan de gauche? Non, quand j'ai travaillé à Media Matters, on m’a souvent demandé: pourquoi n'avons-nous pas une Fox News pour la gauche? Et je me dis, pourquoi voudriez-vous ça? Ça requiert de mentir. Je veux dire, Joe Rogan, la raison pour laquelle ses affaires fonctionnent, c'est parce qu'il s'assoit là et croit tout ce que la personne la plus récente qui lui a parlé, tout ce qu'ils ont dit. C'est immédiatement son point de vue mondial. Il a l’attention d'un bébé. »
C’est vrai. Ces médias carburent à l’attention, et pour avoir de l’attention, ça demande de tourner les coins ronds.
L’anonyme
Bon, je ne suis pas objectif parce que mon beau-frère travaille pour cet organisme qui fait des miracles. Ça vaut la peine de lire ce reportage pour le comprendre:

Musique
Pour tout savoir comment être un bon nu-vite:
⚑ PREMIUM: Une fois c’t’un rappeur, une diva et un comédien bum dans un party…
Cet article est réservé aux membres payants
Inscrivez-vous maintenant pour lire l'article et accéder à la bibliothèque complète réservée aux abonnés.
✦ S'Inscrire